La règle selon laquelle la lettre de licenciement fixe les limites du litige refait parler d’elle dans un arrêt de la chambre sociale du 23 octobre 2024 (Cass. soc., 23-10-24, n°22-22206).
En l’espèce, un salarié est licencié pour faute grave, l’employeur prenant appui sur une pluralité de faits invoqués tant dans la lettre de licenciement que dans la lettre de précisions des motifs ultérieure.
L’employeur reproche aux juges de la cour d’appel d’avoir jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors que l’un des griefs énoncés dans la lettre de précision n’avait pas été examiné par le juge au motif que l’employeur n’avait pas repris ce grief dans ses conclusions, alors que le juge a l’obligation d’examiner l’ensemble des griefs qui figurent dans la lettre de licenciement.
La Cour de cassation valide l’argument de l’employeur. Elle énonce que le juge a l’obligation d’examiner l’ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement, et qu’en l’espèce il ne pouvait qualifier le licenciement de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans avoir examiné un grief mentionné dans la lettre de licenciement, peu importe que ce grief n’ait pas été repris dans les conclusions de l’employeur.
Cet arrêt ne surprend pas, dans la mesure où, comme le rappelle la Cour de cassation en citant les articles L 1232-1 et L 1232-6, la lettre fixe les limites du litige et le juge a l’obligation d’examiner l’ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement.
Le fait que l’employeur n’ait pas repris un des griefs dans ses conclusions, ne permet pas au juge de se dispenser d’en contrôler la matérialité et la gravité. Le juge a, en l’espèce, jugé infra petita, ce qui constitue aux yeux de la Cour de cassation, une violation de la loi.
Une solution identique avait été rendue dans un arrêt du 14 octobre 2020 (Cass. soc., 14-10-20, n°19-10266) dans lequel la Cour casse un arrêt de cour d’appel au motif que les juges ne pouvaient dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en n’examinant que certains motifs, et en en excluant d’autres.
Le présent arrêt constitue, quelque part aussi, une mise en garde à l’encontre du salarié, qui ne doit pas croire que le fait, pour un employeur, d’omettre de reprendre l’un des griefs contenus dans la lettre de licenciement va permettre de disqualifier le licenciement.
Les conseillers prud’hommes doivent également garder cet arrêt en mémoire lors de l’examen des contentieux en contestation du licenciement : ceux-ci ont la possibilité (et même le devoir) de prendre en considération un grief de la lettre de licenciement même si celui-ci n’est pas invoqué par les parties.
Ainsi, la jurisprudence constante selon laquelle la lettre de licenciement fixe les limites du litige
prévaut sur le principe de procédure civile selon lequel le juge ne peut se prononcer que sur ce qui est demandé.